Il était déjà trois heures de l'après-midi, et Yeon Wan était toujours en train de ranger ses vêtements dans son armoire. Plus tôt dans la journée, il avait essayé d'en sortir un t-shirt quand une des planches avait décidé de sortir de ses encoches et d'emmener avec elle la moitié des vêtements qu'il y avait entreposée pour les étaler dans sa salle de sport. Bien qu'il s'agissait là de la troisième armoire qu'il avait dans son appartement, elle, ainsi que les deux autres, était pleine à craquer, et donc, la réparation de l'armoire et le rangement lui avaient déjà pris plus d'une heure et demie. Sur le coup, il avait eu peur pour sa vie : n'ayant pas compris que seul une planche s'était détachée, il avait d'abord cru que toute l'armoire était entrain de lui tomber dessus. Ce n'était qu'une fois enseveli par ses vêtements qu'il comprit qu'il avait finalement eu de la chance, et qu'il devait absolument acheter une quatrième armoire. Il tenait trop à ses vêtements pour les jeter ou les donner, et bien qu'il ne les mettait pas tous, il s'arrangeait pour en porter le plus possible de différents, bien que certains revenaient plus souvent que d'autres.
Alors qu'il venait de ranger le dernier short sur l'étagère, il sentit son téléphone vibrer. Haneul venait de lui envoyer un message, lui proposant de venir chez elle, avec à la clef des vêtements. Comme si cette mésaventure ne lui avait rien apprit, il lui répondit directement qu'il allait passer. Depuis son enfance, elle était pour lui une sorte de petite sœur qu'il protégeait comme si elle l'était vraiment, et cela faisait presque une semaine qu'ils n'avaient pas pu se voir, chose inconcevable. Cette nouvelle lui suffisait pour oublier la fatigue du rangement, et il se dépêcha de sortir un pull en maille rouge et noir et un jeans bleu assez puissant et déchiré. Après avoir fait un tour dans sa salle de bain pour remonter ses cheveux avec du gel, il se regarda encore une fois dans la glace, se rendant compte qu'il portait du rouge, couleur préférée d'Haneul. Avant de sortir, il dénicha encore une casquette noire et une paire de lunettes teintées, avant d'enfiler une paire de boots qu'il ne laça pas, non pas uniquement pour l'effet négligé qu'il adorait tellement, mais surtout car il n'avait plus le temps. Elle ne lui avait donné que trente minutes, et même s'il n'avait pas eu l'intention de s'arrêter quelque part en chemin, il aurait eu du mal à être à l'heure. Il claqua la porte derrière lui et dévala les marches tout en mettant sa casquette en place et ses lunettes de soleil, avant de sortir en rafale du complexe.
Au lieu de se diriger directement vers le complexe Muui, il se rendit d'abord à une pâtisserie qui s'était récemment implantée en face de son complexe. Elle s'appelait « À l'Ange » et faisait de merveilleux déserts et sucreries. Elle n'était ouverte que depuis quelques mois, et pourtant il en était déjà une sorte de client régulier. Il salua la vendeuse d'un signe de la tête, avant d'enlever ses lunettes et de les accrocher à la poche de son jeans. Il regarda d'abord ce qu'il y avait de nouveau, surtout des gâteaux et des confiseries faites maisons, avant de demander un set de cookies au chocolat et une boîte de macarons citron et pêche. Les cookies étaient pour son amie, elle les adorait, et le set en contenait de différentes sortes : recouverts de chocolat, aux pépites de chocolat ou encore avec un cœur fondant au chocolat. Principalement du chocolat, mais c'était ce que tout le monde aimait le plus. Quant aux macarons, ils étaient pour lui. Il savait qu'elle allait probablement manger les cookies à elle seule, et même si elle lui en proposait, il savait qu'il devait refuser car elle ne l'aurait fait que par politesse et voudrait en vérité les manger. Il devait de toute façon faire attention à sa ligne. Les macarons de la boutique, qui changeaient de saveur chaque semaine, étaient moins lourds en calories et si bons qu'il venait en prendre au moins une fois par semaine. Quand la vendeuse revint, il lui tendit l'argent et prit de sa main gauche le sachet contenant une petite boîte brune avec les cookies, et une autre blanche et beige avec ses macarons. Après avoir rangé la monnaie dans son porte-feuille, il se dépêcha de se mettre en route vers l'appartement d'Haneul, bien que l'odeur de citron émanant du sachet lui donnait envie de s'arrêter deux minutes pour manger un macaron. Les saveurs étaient souvent très exotiques, et improbables, mais le goût était toujours parfait.
Arrivé dans Hongdae, il commença à croiser de plus en plus d'étudiants, probablement de l'IIK. Il se colla alors du côté des immeubles et remit ses lunettes de soleil. Les deux écoles étaient en conflit ouvert, et se faire voir dans le quartier résidentiel de l'école adverse se taxait d'une réputation horrible dans sa propre école et de réactions très énervantes de l'autre, allant des rires et regards aux affronts passif-agressif comme renverser sa boisson sur l'autre « sans avoir fait exprès ». C'était aussi pour cette raison qu'il passait toujours par la porte de derrière pour ne pas se faire voir, ou du moins essayer. Il s'était déjà fait attrapé quelque fois par des élèves de l'IIK lorsqu'il rendait visite à Haneul, et la seule façon de s'en sortir était de flirter avec l'élève si elle était une fille, ou de sortir les grandes menaces dans le cas contraire. Jusqu'à là, cette méthode semblait toujours avoir marché, sa réputation n'ayant pas prit de coup marquant. Il fit donc le tour du bâtiment, se collant le plus possible aux parterre de fleurs et marchant dans l'ombre des arbres. Arrivé au niveau de l'entrée de derrière, il s'y dirigea d'un pas rapide et jeta un regard à travers la porte en verre. Après quelques secondes, il vit une forme s'y dessiner. C'était Haneul qui était venu lui ouvrir comme convenu. Il recula alors d'un pas et vérifia l'heure sur son portable : il avait prit exactement 28 minutes, ce qui était probablement un record, mais qui s'expliquait par son rythme de marche très soutenu avant d'arriver dans le quartier de l'IIK. Quand son amie d'enfance était assez proche et semblait le voir aussi, il lui sourit, dévoilant sa dentition immaculée, et l'appela à voix haute, faisant de grands signes de sa main droite. Ce n'est qu'après avoir crié son nom qu'il se rappela qu'il était en territoire hostile et se retourna immédiatement vérifier si quelqu'un l'avait vu ou entendu. Heureusement, il n'y avait personne. C'était peut-être parce qu'il ne l'avait pas vu depuis une semaine, mais il devait tout de même faire attention à ne pas se laisser submerger par la joie et se faire attraper. Il lâcha un long soupir de soulagement et se retourna à nouveau vers la porte, attendant qu'elle soit enfin ouverte.
Le facteur m’avait réveillé vers une heure de l’après-midi, inutile de dire que je l’avais cordialement envoyé valser après avoir récupéré trois gros cartons. Ils faisaient trois fois mon poids et j’avais galéré comme pas possible à les emmener dans mon appartement manquant plusieurs fois de me casser la figure. Mes voisins auraient sans doute apprécié le spectacle Eden Haneul qui chute en plein milieu du couloir mais quel spectacle, sortons immédiatement nos portables pour la prendre en photo. Aussi n’oublions pas de partager sur tous les réseaux sociaux pour faire un maximum de buz même sur lesquels je ne suis pas puisque même si je suis une bourge, je n’ai que Facebook. Je n’ai jamais aimé ce type de sites, un truc pour les prédateurs c’est tout ce que c’est. Il n’y a qu’à voir tous les gens qui sont harcelés sur les réseaux sociaux pour se rendre compte de la cruauté des gens. Comme je ne compte plus mes ennemis autant dire que moins j’ai de sites comme ça, mieux je me porte et ma réputation aussi. Les gentils mots, pour ceux qui ont le cerveau un peu lent c’est de l’ironie, polluent déjà mon mur alors pas la peine de donner le bâton pour se faire battre. Je ne participerais pas à ma propre exécution. Pas la peine de me passer la corde au cou, beaucoup de gens le font déjà pour moi. Je n’ai donc pas besoin de le faire moi-même.
Deux heures plus tard, après une bonne douche chaude et avoir toutes sortes de soins du type gommage, masques pour les cheveux et le corps et cætera. Armée d’un cutter, j’entreprends de déballer le premier carton qui se trouve près de moi. Très vite, je remarque qu’il n’y a que des vêtements. Des robes, des shorts, des tee-shirts, des pantalons… Il y en a pour tous les goûts. En tout cas, un seul carton suffirait à remplir mon dressing maintenant passons au deuxième. Même chose que pour le premier mais cette fois pour les hommes, j’en connais un à qui ça ferait plaisir. Quant au troisième, il contient de la lingerie et des accessoires autant pour les femmes que pour les hommes. Où est mon portable ? Après quelques minutes de recherches intensives, je finis par le retrouver dans la petite poche de mon sac de cours. Yeon Wan où es tu ? Ah trouvé ! Je lui envoie un sms lui proposant de venir avec des vêtements à la clé. Il y a forcément des trucs qui lui plairont dans le deuxième carton. C’est obligé le connaissant, je me demande même si il ne va pas emporter le carton entier. J’avais rencontré le garçon au cours de mes nombreuses fugues quand j’étais enfant. Depuis, je le considère comme un grand frère que je m’efforce de protéger le plus possible. Alors oui, j’ai déjà un demi-frère dont j’ai appris l’existence il y a seulement quelques années et je m’entends déjà super bien avec. Mais Yeon Wan fait parti de ma vie depuis bien plus longtemps que Jun. Et il est grand temps que l’on se voit, ça fait une semaine qu’on ne s’est pas vus autrement dit une éternité pour moi. Il est temps de rattraper cette absence totalement inconcevable. Un coup d’œil au miroir me signale que je suis toujours en pyjama. Je file donc piocher dans mon dressing quelque chose pour m’habiller autre que mon pyjama. Une jupe patineuse rouge avec un haut blanc à manches trois-quarts avec bien entendu mon perfecto devraient suffire. Mes ballerines de la même couleur que le sang aux pieds, je repasse un coup de brosse dans mes cheveux les laissant détachés. Après tout je n’ai donné qu’une demi-heure à mon frère de cœur pour me rejoindre autrement les vêtements finiraient je ne sais où. Une sorte de mini chantage pour lui donner un coup de boost. Autrement je sais qu’il prendra tout son temps pour venir et l’un de mes plus gros défauts est sans aucun doute mon impatience. Je n’arrive jamais à attendre quelque chose. Il me faut ce que je désire maintenant et non pas dans un mois, une semaine ou encore quelques heures. Sûrement l’une des conséquences de mon enfance, en effet mes parents n’étant jamais là ils récupéraient leur absence par divers cadeaux. Il me suffisait de prononcer une demande pour qu’elle soit exécutée immédiatement. Autant dire que ce genre de choses ne se soigne pas d’un coup et malgré tout mon travail sur moi, ce défaut persiste à rester comme un virus que j’aurais attrapé et dont je n’arriverais pas à me débarrasser.
Je fouille dans mes placards pour voir ce que j’ai à manger et constate avec étonnement que je n’ai pratiquement plus rien. Il serait grand temps que j’aille acheter à manger autrement comment je vais survivre moi pour le reste de la semaine. J’ai encore cinq jours à passer dans cet appartement avant de rentrer chez moi pour le week-end. Un coup d’œil à mon portable me dit qu’il me reste vingt-cinq minutes avant que Yeon Wan n’arrive. Mes clefs et mon portefeuille en main, je descends les escaliers quatre à quatre et court à la supérette qui est en face du complexe de Muui. Vu le temps que j’ai devant moi, je vais juste m’acheter de quoi manger ce soir. J’ai mon après-midi de libre demain du coup j’en profiterais pour faire les courses comme il faut. Un pot de sauce tomate, un paquet de pâtes, des cookies et des macarons pour Yeon Wan, je sais que c’est son péché mignon, en main je passe à la caisse et me dépêche de rentrer dans mon appartement ranger mes achats. Je laisse cependant les choses sucrées sur le comptoir nous connaissant, on va forcément manger un truc. Yeon Wan a beau être en formation en mannequinât, ça ne l’empêche pas de céder parfois à la gourmandise. Je lui donne parfois un petit coup de pouce en lui mettant sous le nez des macarons. Si je suis l’avocat du diable principalement avec lui. Etre une héritière ne veut pas dire n’avoir que des qualités loin de là. Il faut juste être un minimum intelligent et ne pas se laisser marcher sur les pieds. Autrement c’en est fini de vous. Vous perdrez toute autorité et les riches ne fera qu’une bouchée de vous. Et oui malgré tous ses beaux aspects, le monde de la bourgeoisie est cruelle là-bas c’est la loi du plus fort. Si vous n’avez pas de caractère, c’est un peu comme si vous vous retrouviez dans une fosse remplie de fauves n’ayant pas mangé depuis plusieurs jours. Exactement comme le genre de spectacles qui ravivaient les romains à l’antiquité d’ailleurs je cherche toujours à voir ce qu’ils appréciant tant dans cette condamnation à mort. N’avaient-ils donc pas de cœur pour être comme ça ? Si cruels envers les autres. La pensée d’autant de barbarie me procure un frisson qui me parcourt l’échine. Tandis que je secoue la tête en soupirant en pensant au prochain gala auquel j’assisterais avec ma mère. Mon géniteur est un grand chanceux, il n’y va jamais en même temps si ça ne lui apporte rien d’intéressant pour son entreprise il ne bouge pas ses fesses de son bureau.
Combien de temps reste-il avant que Yeon Wan arrive normalement ? Cinq minutes, je ferais bien de descendre lui ouvrir la porte autrement le pauvre risque de se retrouver coincer derrière. Comme cet idiot est allé à la IUK et qu’il y a une sorte de rivalité, lui demander de venir à mon appartement relève du suicide pour sa réputation en tout cas. Enfin bon si un élève de la IIK s’attaque à lui, il aura affaire à moi. Autant dire que l’étudiant en question risque de passer un mauvais quart d’heure. On ne s’en prend pas à Yeon Wan sans en subir les conséquences et le retour du boomerang risque d’être dur pour certains ou certaines. Après avoir descendu les marches non sans faillir tomber quelques fois avec la précipitation, me voilà devant la porte de derrière et je souris le voyant de l’autre côté. Je me dépêche d’ouvrir donc la porte et de le tirer à l’intérieur. Je le détaille légèrement de haut en bas, ce mec a vraiment le profil d’un mannequin et je constate qu’il porte un pull rouge, ma couleur préférée. Il a aussi un sac à la main de « A l’ange » qu’est ce que c’est ? Enfin bon on verra ça en haut. Les élèves ne tarderont pas à arriver du coup je le prends par la main et file dans mon appartement où là je me blottis dans ses bras, bon sang ce qu’il m’avait manqué.
- Salut toi !
Un sourire aux lèvres, je lui ébouriffe doucement les cheveux parce que j’aime bien le taquiner.
- Deux minutes plus tard et les vêtements disparaissaient. Le carton 2 est essentiellement pour toi et regarde dans le carton 3 peut-être qu’il pourrait y avoir des trucs qui vont t’intéresser. Enfin je te laisse faire le tri ce que tu ne veux pas je pense y donner à une association.
Je lui désigne de la tête les cartons que j’ai pris soin de numéroter avec un feutre noir pour ne pas m’y perdre. Il sait de toute façon qu’il peut faire comme chez lui, ce n’est pas la première fois qu’il vient chez moi et si il ne veut pas se prendre une tape derrière la tête, il a intérêt à se comporter de manière naturelle. Après tout ce n’est parce qu’il est chez moi qu’il doit être gêné loin de là c’est tout le contraire. Soudain un détail de notre conversation par sms me revient en mémoire et tandis que je vais lui chercher ses macarons, je lance. - Alors tu m’expliques ? Comment ça se fait que t’as échappé à la mort ?
Curieuse, je lui tends les macarons attendant ses explications.
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